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Il existe deux catégories de crises. Celles qui surviennent alors qu’on ne les attendait pas et celles qui sont prédictibles parce qu’elles découlent de trajectoires statistiques froides et implacables. Le vieillissement démographique appartient à la seconde catégorie. Ce phénomène mondial constitue un chamboulement majeur social et économique sur lequel Le Monde a souhaité attirer l’attention par une série d’enquêtes publiées jeudi 12 et vendredi 13 septembre sous le titre « Un monde de vieux ». Les conséquences de cette évolution inédite dans l’histoire de l’humanité restent pourtant insuffisamment anticipées à ce stade.
Entre l’allongement de la durée de vie grâce aux progrès de la médecine et la baisse de la natalité, la proportion des seniors augmente inexorablement, déformant de plus en plus la pyramide des âges. Cette bonne nouvelle sur le plan individuel menace néanmoins de déstabiliser les systèmes sociaux et de prévoyance tels qu’ils ont été conçus dans l’immédiat après-guerre.
Pour ne prendre que l’exemple de la France, un habitant sur cinq a aujourd’hui plus 65 ans. Il n’y en avait que 13 % en 1970. En moins d’un demi-siècle, le nombre de retraités a plus que triplé. En 2070, cette catégorie d’âge représentera près du tiers de la population française. Or, mécaniquement, un pays plus vieux peine à maintenir un niveau de croissance capable de financer son modèle social.
Sans un effort considérable sur l’innovation et l’enseignement, la productivité, qui permet la création de richesses, risque de continuer à décroître du fait d’une population active en attrition. Parallèlement, l’épargne prend le pas sur la consommation et l’investissement, tandis que le vieillissement absorbe une part croissante des ressources du pays au détriment des investissements d’avenir.
La mécanique est impitoyable. Du fait de l’essoufflement de la croissance, les recettes fiscales sont de plus en plus difficiles à lever, tandis que les dépenses sont vouées à augmenter de façon exponentielle. A la hausse du montant global des pensions s’ajoutent des frais de santé qui explosent avec l’âge et la nécessaire prise en charge de la dépendance dans les dernières années d’existence. Pour résumer, de moins en moins de gens doivent financer de plus en plus de dépenses. Alors que l’endettement est déjà une question majeure et que d’autres dépenses (transition climatique, défense…) sont urgentes, les arbitrages budgétaires deviendront impossibles.
Cette description a des allures de truisme tant elle est étayée par des centaines de rapports et de projections statistiques fiables. Pourtant, le débat politique en France sur ces enjeux fait l’objet d’une polarisation extrême qui nuit à la réflexion et paralyse l’action politique. Entre la méthode contestable de la dernière réforme des retraites et le déni systématique de la réalité de la part de ses opposants, il doit y avoir la place pour un débat qui ne tourne pas au pugilat.
Face à l’épineuse question du vieillissement, il n’y a pas de solutions faciles et populaires. Hausse des impôts, baisse du niveau des retraites, recul de l’âge de départ, arbitrages des politiques publiques entre générations, recours à l’immigration pour compenser la chute de la population active et financer les pensions : pour être actionné, chacun de ces leviers réclame réalisme et sens de l’équité. Deux dimensions que le débat national doit retrouver.
Le Monde
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