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La mort d’Elias Khoury, romancier et intellectuel libanais

Funeste écho à la phase de désintégration que traverse le Proche-Orient : l’écrivain et intellectuel libanais Elias Khoury, qui n’a cessé de lutter en faveur d’une renaissance politique et culturelle arabe, est mort, dimanche 15 septembre, à l’âge de 76 ans. L’homme à la tignasse blanche et à la voix de fumeur, défenseur inlassable de la cause palestinienne, a succombé à une longue maladie, au moment où Gaza agonise sous les bombardements israéliens, où Beyrouth s’abîme dans une crise sans fin et où Damas étouffe sous le joug du clan Assad.
Le défunt rédacteur en chef de l’édition arabe de la Revue d’études palestiniennes laisse une œuvre littéraire foisonnante, riche de seize romans, acclamés et traduits dans le monde entier, qui ont puissamment contribué au renouveau du genre au Proche-Orient. Son livre le plus célèbre, La Porte du soleil (Actes Sud, 2003), le conte tragique de la dépossession palestinienne, la Nakba, a été adapté en 2004 au cinéma par le réalisateur égyptien Yousri Nasrallah. Mais les engagements de cette figure de la gauche arabe, persuadée que la libération des Palestiniens est inséparable de la démocratisation de la région et dont la chronique, chaque mardi, dans le quotidien panarabe Al-Quds al-Arabi, était guettée par tous les progressistes de la région, s’achèvent sur un douloureux constat d’échec.
« Les peuples de la région sont pris en étau entre le despotisme arabe et l’occupation israélienne, avait-il confié en 2021 au Monde. Nous ne nous sommes jamais sentis aussi seuls. Le soi-disant “premier monde” ne nous regarde plus, nous, habitants du soi-disant “tiers-monde”, que comme une menace pour la civilisation blanche, qu’il faut tenir à distance », ajoutait-il, dans une préfiguration inconsciente de l’acquiescement des Occidentaux à l’écrasement de Gaza, trois ans plus tard. « C’est terriblement triste, la disparition d’Elias correspond à un moment d’effondrement généralisé », souligne le politiste libanais Ziad Majed, professeur à l’Université américaine de Paris, qui fut l’un de ses proches.
Et pourtant, malgré cette succession de défaites, intimes et collectives, ce dont son entourage veut aussi se rappeler, c’est d’un homme à l’humour contagieux, jamais à court d’un bon mot ou d’une vacherie, d’un bon vivant, fana de mezze et d’arak, le pastis levantin, habité par un profond amour de l’arabité. « C’était un ami incroyablement vivant, dans le courage, à contre-courant. Nous avons tellement ri ensemble », se souvient Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco.
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